SILVERE le buddah

 Déjà vingt ans que Sly Johnson est dans le paysage musical hexagonal. Autant dire une éternité pour un artiste dont les racines sont dans la culture hip-hop.

Sly Johnson ou « Sly the mic Buddah » débute au sein du collectif « Saïan Suppa Crew » à la fin des années 1990. Le style du groupe est en marge comparé au paysage rap de l’époque. Sly Johnson le sera également tout au long de son parcours. Tant mieux ! Les Saïan sont avant tout un groupe de scène. Leur rap rend hommage aux grands de la culture hip-hop. Pas un hasard si Mode 2 signe leurs pochettes. Dans ce groupe, Sly The mic Buddah est le « human beat box ». Il n’a rien à envier aux Fat Boys, à Sheek ou à Rahzel.

Son intelligence sera de sortir la « human beat box » de son contexte pour donner une valeur ajoutée à la musique des autres. Il le fera avec brio pour la chanteuse Camille, sur scène, à la sortie du premier album. Il fera de même avec Rokia Traore, Oxmo Puccino et Erik Truffaz.

 Son premier album solo, intitulé « 74 », voit le jour en 2010. La reprise du classique « fa-fa-fa-fa-fa (sad song) » d’Otis Redding est renversante, celle du « Everybody’s Got To Learn Sometimes » des Korgis est surréaliste. Il met en avant ses talents vocaux (« Goodbye Tomorrow ») et dans l’ensemble l’album a une teinte soul forte avec de belles incursions dans le funk bien « roots » (voir « Don’t Justify Urself »). Bref ! Réussi pour un premier opus.

 « The Mic Buddha », deuxième oeuvre, voit le jour en 2015. Sly Johnson confirme son talent et les bases installées en 2010. Une musique chaude, puissante, acoustique avec de profondes racines dans le funk, le gospel et le hip-hop. Truffaz est de la partie, le pote Oxmo également. À l’évidence, Sly sait ce que « groove » signifie (« nastygal ») et il connaît bien l’histoire des musiques noires.

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 Sly Johnson aime prendre son temps. Quatre ans après « The Mic Buddha », l’enfant de Montrouge revient avec un album intitulé « Silvere », son prénom. Pour ses 45 ans, l’artiste semble faire beaucoup de place à l’homme. Dès la pochette, ça sent l’introspection et la profondeur des émotions. Le contenu est à la hauteur de l’image.

Dans l’ensemble, il a axé l’album sur les voix, limpides, cristallines, puissantes. Textes et sens des textes semblent la priorité. Pour cela, l’artiste crée des ambiances très personnelles qui donnent une gravité et une profondeur à l’ensemble. Voir « babylone », très minimaliste pour donner du relief à l’écriture. « Oh mother » est, sans contexte, le chef d’oeuvre de cet album. C’est d’une beauté à couper le souffle, c’est spirituel en flirt avec le gospel, avec des réminiscences de chorales sud-africaines. Le temps s’arrête l’espace de 5 minutes. Sly Johnson chante ici avec le coeur et l’âme, base de la soul music. Un titre qui touche le for intérieur, l’intimité, le jardin secret, les états d’âme.

Et que dire de « Skin » et de l’utilisation du « You Ain’t Heard Nuttin’ Yet » d’Heavy D., aussi redoutable que la structure de ce titre. La façon dont le break de batterie est balancée, c’est juste indécent !

Pour atteindre ce résultat, Sly Johnson a choisi des options de productions très claires afin de donner une saveur organique à l’ensemble. La direction électronique, « electro » même, est évidente. Seules « sale » et « congo girl » sortent un peu de l’ensemble. Un album épuré, débarrassé de l’inutile, qui prend aux tripes. Il suffit de regarder dans le « miroir » pour comprendre…

En douze titres, on pense tour à tour à Busta Rhymes, Heavy D, Flume, 20syl, FKG twigs, Ladysmith black mambazo…En douze titres, on prend douze claques. Fortement conseillé, d’utilité publique je dirais.

photo : Alexandre Lacombe

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