« A Better Tomorrow » est la preuve qu’en 2014 le Wu-Tang est plus un concept ou le collectif de RZA qu’un groupe. Depuis le départ de ODB, rien n’est plus pareil mais le « Wu » est encore très bon, excellent même.
L’ensemble est solide et certains titres comme « Keep Watch » (très orienté electro), « Ron O’Neal » (très organique et funk) ou « Ruckus in B minor » (avec Rick Rubbin à la production) sont de très belles factures. L’album est plus personel que les précédents et le lieu de quelques confessions. Sur « Miracle », Ghostface fait part de ses soufrances depuis le décès de sa mère. Sur « Necklace », le rap indé s’invite discretement. RZA est toujours au top pour la production. Ces quinze titres sont variés mais toujours avec une production impeccable. Cet opus n’est pas un retour. C’est encore une réunion d’individualités fortes, toujours enthousiastes et dont le travail est la preuve de leur plaisir d’être encore là. Le tout sous l’inspiration du génial RZA.
A Better Tomorrow (2014, Warner Bros)**
L’histoire du « Wu »
A leur arrivée, en 1993, le rap est dominé par le « G-funk » de Dr Dre. Mais ce groupe de Staten Island, New-York, va s’imposer comme le plus révolutionnaire des années 1990 grâce surtout à sa musique. Wu Tang Clan, réunion de neuf rappers, marque l’industrie du disque avec ses albums mais également avec les nombreux projets solo de chacun des membres. Du coup, chaque individu devient une star à part entière avec de gros contrats à la clef.
Tout commence avec le classique « Enter The Wu-Tang (36 chambers) » en 1993. Empruntant leur nom à une épée mythique et puissante du milieu du kung-fu, les membres du « Wu » travaillent sous différents pseudos mais ils sont surtout connus en tant que RZA (ou Prince Rakeem, RZAArecta, Chief Abbot et Bobby Steels, de son vrai nom Robert Diggs), GZA (ou the Genius, Justice et Maxi Million, de son vrai nom Gary Grice), Ol’Dirty Bastard (ou Unique Ason, Joe Bannanas, Dirt McGirt, Dirt Dog et Osirus, de son vrai nom Russell Jones), Method Man (ou Johnny Blaze, Ticallion Stallion, Shakwon, Methical et MZA, de son vrai nom Clifford Smith), Raekwon The Chef (ou Shallah Raekwon et Lou Diamonds, de son vrai nom Corey Woods), Ghostface Killah (ou Tony Starks et Sun God, de son vrai nom Dennis Cole), U-God (ou Golden Arms, Lucky Hands, Baby U et 4-Bar Killer, de son vrai nom Lamont Hawkins), Inspectah Deck (ou Rebel INS et Rollie Fingers, de son vrai nom Jason Hunter) et enfin Masta Killa (ou Noodles, de son vrai nom Elgin Turner).
Bien que RZA ne fasse pas partie des membres fondateurs (ce rôle revient à GZA et Ol’ Dirty Bastard), la vision de Wu-Tang et sa puissance musicale lui reviennent indiscutablement. Sous sa direction, le groupe a crée un rap sombre avec des ambiances menacantes, des rythmes bruts, des riffs de piano et des samples minimalistes. Sur des instrus surréalistes, les rappers avaient un flow dur renouvelant ainsi le style « old school » des précurseurs avec plus de violence et une imagerie empruntée aux arts martiaux. En 1995, leur style est identifiable dès les premières notes. RZA produira également la plupart des projets solo.
Mais il y a eu des temps difficiles avant d’en arriver là. Comme la plupart des rappers, ils ont essuyé de nombreux echecs. RZA, par exemple, a connu un bid monumentale avec son single « Ooh I Love You Rakeem », sorti en 1991 sur « Tommy Boy« . Il en ira de même pour « My Deadly Venom », single suivant. Ces expériences renforceront ses convictions et son envie de sortir du cadre traditionnel. Il rencontre GZA et Ol’Dirty Bastard qui avaient également sorti un titre en 1991 (« Come Do Me ») sur le label « Cold Chillin' » (label indépendant alors puissant dans le rap) avec le même echec retentissant. Les trois artistes font équipe pour le résultat que nous connaissons.
Le premier single, « Protect Ya Neck », voit le jour sur leur propre label avec un énorme succès underground. Très vite, des labels leur offrent des contrats juteux. En 1994, leur titre « C.R.E.A.M. » est le single du succès à large echelle. Très vite, chaque membre travaille sur son projet solo. RZA enregistre avec la formation « Gravedigazz » qu’il a fondé pour un beau résultat commercial. Il faut dire que Prince Paul et Frukwan (des Stetsasonic’s) sont dans le groupe…Raekwon enchaîne vite avec « Heaven And Hell », rap qu’il enregistre pour la B.O. Du film « Fresh ». Le titre est produit par RZA et enregistré avec Ghostface Killah : Enorme !
Mais le premier membre du collectif à connaître un succès majeur est Method Man. 1994 et 1995 seront ses années. Son album « Tical » est un hit énorme, aujourd’hui un classique de l’histoire du hip-hop. La chanson « I’ll Be there / You’re All I Need To Get By », enregistrée avec la chanteuse Mary J Blige se vend comme des petits pains.
Puis Ol’Dirty enchaîne avec « Return To The 36 Chambers », Raekwon avec « Only Built 4 Cuban Linx » et GZA avec « Liquid Swords ». Le Wu Tang ramène la couronne hip-hop à New-York. 1997 est l’année de la réunion pour le deuxième album. « Wu-Tang Forever » sort en 1997 et entre directement N°1 des ventes. Il s’en vend 600 000 exemplaires la première semaine !
A cette époque, « Wu » prépare la deuxième phase de sa stratégie : Lancer de nouveau talent qui signeront en franchise sous l’etiquette Wu-Tang. Citons ici Killarmy dont l’album « Silent Weapons For Quiet Wars » est un succès en 1997. Citons aussi Cappadonna, Killah Priest et Sunz Of Man. Le Wu-Tang apparaît alors comme un collectif aux énorme ramifications. Mais la grande période du groupe s’arrête là. 1993-1998 est la période Wu-Tang, indiscutablement.
Ensuite RZA s’implique de plus en plus dans d’autres projets, à commencer par son album « RZA As Bobby Digital In Stereo ». Method Man enregistre « Tical 2000 : Judgement Day » (N°2 des ventes à sa sortie) et l’album duo avec Redman (Blackout !). Mais les projets de U-God et Inspectah Deck n’ont pas le même impact. L’attention du public n’est plus la même. De nombreux imitateurs ont vu le jour et surtout un certain Timbaland s’impose comme le producteur hip-hop du renouveau. RZA se fait encore remarquer avec la B.O. Du film de Jim Jarmusch, « Ghost Dog ». Ensuite, leur travail devient commun.
Artistes du même genre ou de la même époque : Mobb Deep, Gravediggaz, Cypress Hill, Da Lench Mob, Outsidaz, Jeru The Damaja.