En 2024, pour le grand-public, le terme R&B désigne toutes les musiques noires urbaines à l’exception du rap. Ce qui autrefois était désigné par Funk, Soul, new-jack, nu soul et R&B est aujourd’hui regroupé sous un seul mot : R&B. Qu’est-ce que le R&B ? Quelle est son histoire ?
Sélection Musicale
Sam Cooke A Change Is Gonna Come (1964, ABKCO) / Otis Redding I’ve Been Loving You (1965, Stax) / Four Tops Reach Out (1967, Motown) / Marvin Gaye I Heard It (1968, Motown) / James Brown Say It Loud (1969, Polydor) / Harold Melvin Satisfactions Guaranteed (1972, Philly) / O’Jays I Love Music (1972, Philly) / Inez Foxx Circuits Overloaded (1974, Volt) / Freddie Jackson Have You Ever Loved Somebody (1986, Capitol) / Keith Sweat Don’t Stop Your Love (1987, Elektra) / Guy I Like (1988, MCA) / Luther Vandross I Wonder (1988, Epic) / D Angelo Brown Sugar (1995, Virgin) / Maxwell Sumthin Sumthin (1996, Columbia) / Rahsaan Patterson The One For Me (2004, Artistry) / Incognito Summer In The City (2006, Narada Jazz) / Raphael Saadiq Rikers Island (2019, Columbia) / Michael Kiwanuka Lowdown (Part I) (2024, Geffen)
L’origine du R&B
À la fin des années 1940, un genre de musique nait à partir du blues et installe les bases du Rock N Roll. Les Américains le nomment R&B pour Rythm & Blues. Ce R&B là est plus aéré et l’accent est mis sur la chanson, sa structure plutôt que sur l’improvisation. C’est encore très blues mais avec un rythme beaucoup plus présent.
Années 1950 et 1960
Ray Charles
Dans les années 1950, le R&B est dominé par des chanteurs comme Ray Charles et Ruth Brown et par les groupes Drifters et Coasters. Finalement, le R&B se métamorphose en Soul. La Soul est plus funky avec une rythmique plus rapide et des textes plus politisés. D’un côté la soul basée sur les cuivres et destinée aux blancs, celle de la Motown. De l’autre une soul plus sauvage, faite d’abord pour les noirs, façon Stax / Volt. Entre les deux, une grande variété de style. Dans les années 1960, la Soul reste proche de ses racines R&B. Otis Redding et Sam Cooke jouent un rôle majeur, entre autres. Tout change dans les années 1970. Différentes régions des USA produisent cette musique l’emmenant vers de nouveaux horizons. Les grands centres urbains tels New-York, Philadelphie ou Chicago se concentrent sur les voix et sur la douceur des mélodies. Dans le sud, cette musique est plus dure avec des textes assez crus. La Soul entre de plus en plus souvent dans les meilleures ventes de disques, surtout grâce à la Motown et à son style très pop. Citons ici Marvin Gaye, Diana Ross, les Jacksons 5, les Temptations…
Années 1970
James Brown
La Soul music éclate en plusieurs genres. Elle devient funk grâce à James Brown et Sly Stone. Ici, seul compte le rythme et les revendications politiques et sociales. George Clinton et ses groupes Parliament / Funkadelic donnent une place prépondérante à l’improvisation et à la qualité des musiciens. Leur funk flirt avec le rock. Elle devient mélodique aux arrangements soignés à Philadelphie. Cette soul-là mènera au disco. Kenny Gamble et Leon Huff sont à l’origine de la Philly Soul avec les O’Jays et Harold Melvin & the Blue Notes. Le label Atlantic à New-York trouve également un son particulier basé sur gospel, R&B originel et rock. La Motown domine encore avec Stevie Wonder notamment.
Années 1980
Michael Jackson
Après la déferlante disco enracinée dans la soul de Philadelphie, le R&B se fait très dansant, calibré pour les discothèques et les radios. D’un côté des versions longues pour danser en club, de l’autre des versions courtes pour les radios. Le R&B devient un phénomène de masse. Alors que le terme funk domine dans le reste du monde, les Américains continuent à utiliser celui de R&B. Il devient plus stylisé à New-York, plus froid à Minneapolis, plus électronique à Los Angeles. Le R&B s’adapte aux régions américaines. Les nouvelles technologies changent sa base musicale. Claviers, boites à rythmes et système midi deviennent sa base. Il coûte moins cher à produire et rapporte beaucoup plus à ses producteurs et investisseurs. Luther Vandross et Freddie Jackson deviennent leaders d’un sous genre baptisée « Quiet Storm » aux Etats-Unis. Les producteurs, DJ et spécialistes du remix en sont les maitres. Citons Prince et Jimmy Jam & Terry Lewis à Minneapolis, L.A. & Babyface et Quincy Jones à Los Angeles, Randy Muller, Paul Laurence et Kashif à New-York, par exemple. Michael Jackson, Prince, Whitney Houston, Janet Jackson sont la partie émergée pour le grand public mais une centaine d’artistes font vivre le R&B des années 1980. Citons Cameo, Zapp, T-Connection, D-Train, Atlantic Starr, Brass Construction, Skyy, Glenn Jones, Melba Moore et tant d’autres.
Années 1990 : le Hip-Hop transforme le R&B
Teddy Riley
À la fin des années 1980, le Hip-Hop devient une composante incontournable du R&B. Le producteur Teddy Riley à New-York ainsi que le groupe Full Force sont à l’origine de cette transformation vite baptisée New-Jack Swing. Le style des producteurs L.A. & Babyface (Louis Antonio Reid et Kenneth Edmonds) participe également au changement avec l’artiste Bobby Brown et le groupe Boyz II Men, entre autres. Guy, Keith Sweat, Today, Joe, Blackstreet, Mary J. Blige, R.Kelly et tant d’autres font vivre le R&B. Il en sera ainsi jusqu’en 1996–1997 et l’arrivée d’une jeune génération à Philadelphie menée par D’Angelo et Erykah Badu ainsi que par Maxwell. Ce dernier étant de NYC. Après le R&B de Teddy Riley et Puff Daddy caractérisée par des productions de studios aux sons très synthétiques et par samples ou reprises de standards pop, Philadelphie revient à un R&B acoustiques qui redonne priorité à la chanson, à la simplicité loin des machines et grosses productions de studio. Mais le Hip-Hop n’est jamais absent.
Dans les années 1990, le R&B perd de son influence à cause de la multiplicité de ses productions et parce que de nouveaux genres venus de France et d’Angleterre gagnent du terrain. Les musiques électroniques sont là. Le R&B anglais également. Jamiroquai, Brand New Heavies, Incognito, Young Disciples et d’autres apportent une fraicheur au R&B en revenant, étrangement, au style des années 1970.
Depuis le début des années 2000
Raphael Saadiq
Fini les surproductions et l’exposition médiatique permanente. Les artistes R&B ne se comptent par sur les doigts d’une main mais presque. Une grande partie de ceux qui dominaient dans les années 1990 sont maintenant assimilés à la pop ou ont disparu. Angie Stone, Rahsaan Patterson, Raphael Saadiq, Anthony Hamilton, John Legend, Jill Scott ou Kem et d’autres prennent le relais. Leur R&B est d’abord basé sur la qualité des voix. Plus tard, Des artistes comme Michael Kiwanuka ou Jacob Banks prendront le relais dans la décennie 2010 avec une musique basée sur les arrangements, les cordes, la qualité de la production et les voix. Le R&B et le hip-hop sont devenus la pop moderne. Fini les termes funk, new-jack sing, nu soul, le R&B définit les musiques noires urbains.
Christophe Augros