Avec le recul, on peut dire que les labels historiques pour la soul sont Motown, Atlantic et Stax. Ben Harper vient de signer un nouvel album sur ce dernier. L’occasion pour nous d’un retour sur son histoire.
Les débuts de Stax se font sous le nom « Satellite ». Rien ne laisse présager alors un avenir aussi prometteur pour le petit label. Les différents associés n’y croient guère et quittent le navire rapidement. Jim Stewart, lui, y croit dur comme fer et demande à sa soeur de l’aider. Elle accepte et hypothèquera même sa maison pour cautionner l’avenir de « Satellite ».
1959 voit les vrais débuts du label. Jim Stewart enregistre son premier groupe, les « Veltones », avec l’aide de son bras droit et guitariste Chips Moman. Ce premier enregistrement lui ouvre les portes du milieu du Rhythm & Blues. Sa rencontre avec le chanteur et disc-jockey Rufus Thomas permet l’entrée de « Satellite » dans les charts grâce au morceau « Cause I love you » sous le double nom de « Carla et Rufus Thomas ».
Par la suite, Jim Stewart signe un accord de licence et de distribution avec Jerry Wexler, propriétaire d' »Atlantic Records », basée à New York. Cette collaboration sera un des éléments clés de la réussite de « Satellite ».
« Gee Whiz » interprétée par Carla Thomas accède aux classements dans lesquels on retrouve toutes les grandes compagnies, et s’installe dans le top 10 R&B et pop de « Billboard ». Mais Jim Stewart ne se contente pas de ce premier succès et se lance à la recherche de nouveaux talents.
Les « Royal Spades », avec Steve Cropper, Duck Dunn, Wayne Jackson, et Don Nix confirment cette réussite malgré quelques désagréments liés à l’arrivée dans le groupe du neveu de Jim Stewart, Packy Axton, alcoolique notoire.
« Last Night » par les Mar-keys qui sort en juin 1961 sous « Satellite » connaît un succès au delà des espérances de Stewart. Le titre se hissera à la deuxième place des hits parades noirs et à la troisième place du « Hot 100 » Pop. Cette vente de plus d’un million d’exemplaires oblige « Satellite » à se renommer. En effet, une compagnie californienne du même nom a jugé bon de faire valoir son antériorité, réclamant une somme astronomique à Jim Stewart et Estelle Axton. Ces derniers y voient l’opportunité d’un changement de cap de leur compagnie. Ainsi naîtra STAX et le destin qu’on lui connaît. Chips Moman fera les frais de ce renouveau car sa collaboration se termine à ce moment là.
C’est le début d’une nouvelle ère: l’intégration va jouer un rôle important dans le son Stax. Steve Cropper, batteur blanc, prend l’initiative de réunir le batteur noir Al Jackson Jr, vétéran de la scène R&B, le bassiste blanc Lewis Steinber et le jeune organiste noir Booker T-Jones pour constituer la section rythmique de la Stax.
A l’automne 1962, le groupe baptisé Booker T & the MG’s classe son titre « Green Onions », un instrumental, N°1 au top R&B et au top 100. C’est la première fois dans l’histoire de la compagnie qu’un instrumental atteint un tel classement.
Durant la décennie 1960, Booker T et The MG’s, ainsi que les équipes de production, notamment celles formées par Isaac Hayes et David Porter seront au coeur de la réussite de Stax. On parlera alors du « Memphis sound ». Le disc-jockey de Washington Alvertis Isbell dit « Al Bell » sera un personnage clé de l’histoire du label.
Cet homme ambitieux et intelligent conduit la compagnie de Jim STewart et Estelle AXton à jouer un rôle majeur dans l’industrie du disque, tout en assurant son propre avenir.
En multipliant les tournées, STAX assure la réputation du « Memphis sound » jusqu’à concurrencer la Motown qui régnait sans partage sur ce créneau. Le professionnalisme et le charisme de Al Bell attirent de nouveaux talents. Johnny Taylor en est le chef de file en devenant le plus gros vendeur de la compagnie à partir de 1968.
Au début des années 70, le rachat de Stax par « Gulf + Western » va permettre à Al Bell de disposer d’une plus grosse assise financière et de reconstituer le catalogue. Plus de trente albums seront produits en moins de deux ans. En effet, la diffusion de la musique ne se fait plus par le biais du single mais par le 33 tours. Et c’est l’album d’Isaac Hayes, « Hot Buttered Soul » qui marquera la réussite de cette stratégie.
Progressivement, le terme de « Memphis sound » disparaît et par la même ses artistes fondateurs : Carla Thomas, Steve Crooper et Booker T Jones.
Forte de son évolution avec l’arrivée de nouveaux artistes comme The Bar-Kays, Soul Children, Frederick Knight, STAX n’oublie cependant pas sa vocation politique et éducative vis-à-vis de la population afro-américaine.
Le label continue de s’illustrer dans plusieurs projets. Les deux plus importants seront :
– la B.O. de la production hollywoodienne « Shaft » signée par Isaac HAYES.
-Le concert légendaire de la « WATTSTAX », le 20 août 1972 à Los Angeles, qui deviendra le deuxième plus grand événement de l’histoire de la communauté noire américaine après la marche sur Washington organisée en 1963 par le Révérend Martin Luther King Jr.
1972 marque le point culminant de cette belle aventure. Stax ouvre des bureaux à Los Angeles dirigés par Forest Hamilton (fils du batteur Chico Hamilton). Buts : Repérer de nouveaux talents, mieux assurer la promotion du catalogue sur la côte ouest et surtout préparer l’entrée du label à Hollywood. Le concert « Wattstax » sera un succès pour soulever des fonds après les émeutes raciales de 1965 qui ont laissé de profondes sequelles dans la société américaine. Le reverend Jesse Jackson dont la carrière connaitra son sommet en 1984 face à Ronald Reagan commence sa vie politique là.
Mais le temps passe, les modes aussi. Les innovations technologiques rapides, l’arrivée de nouveaux courants, voir de nouvelles cultures donnent un sacré coup de vieux au label. Le rap reprend ce côté éducatif et intégration et parle davantage aux nouvelles générations. Stax va connaître une profonde et longue traversée du désert.
Au milieu des années 2000, le public redécouvre le nom Stax. Des artistes à la forte notoriété, comme Angie Stone par exemple, signent avec la prestigieuse écurie. En 2013, Ben Harper enregistrait l’album Get Up! chez Stax, presque 60 ans après les débuts de cette formidable maison d’artistes.
Otis Redding et Isaac Hayes sont toujours de bons vendeurs de disques, preuve de la bonne orientation artistique du label de Memphis.
Quelques INDISPENSABLES
Booker T. & the MG’s « Green Onions » (1962) Acheter
Rufus Thomas « Walking The Dog » (1963) Acheter
Sam & Dave « Hold On I’m Coming » (1966) Acheter
Eddie Floyd « Knock On Wood » (1966) Acheter
Otis Redding « (Sittin’ On) The Dock Of The Bay » (1968) Acheter
Isaac Hayes « Hot Buttered Soul » (1969) Acheter
Jean Knight « Mr Big Stuff » (1971) Acheter
Isaac Hayes « Shaft » (1971) Acheter
Wattstax « Festival & Film » (1972) Acheter